J'angoissais à mesure que le temps passait. Et quand je le vis arriver vers moi, je manquais de m'étouffer avec ma seule salive, et de tomber à la renverse. C'était la première fois que je revoyais son visage depuis longtemps, et franchement ... il ne me laissait pas indifférente. Il avait gardé ce qui lui donnait cet air masculin courageux et en même temps tellement tendre ... Je craquais toujours, malgré le fait que j'étais censée l'avoir oubliée et être avec Logan, maintenant. Au fur et à mesure que l'écart se réduisait entre nous, je pouvais sentir mon cœur s’accélérer et battre de plus en plus fort, jusqu'à exploser si je le laissais. Lorsque Keith fut à quelques centimètres de moi et prit la parole, ce fut un merveilleux moment (je manquais de m'évanouir au son de sa voix, mais je tins le coup). « Toi, ici? Pour une surprise! Comment tu vas depuis le temps? » Il n'avait pas changé. Enfin, il avait gardé cette voix que je trouvais si sexy, cet air un brin je-m’en-foutiste qu'il prenait pour se donner de la contenance ... Comment j'allais depuis le temps ? Bien, très bien même. Sauf qu'à cet instant, j'avais plutôt envie de lui sauter au coup et de lui dire à quel point il m'avait manqué, comme je regrette, comme j'ai envie que lui et moi soyons de nouveau ensemble ... Mais je ne peux pas, j'ai tout fait foiré, et puis j'ai choisi quelqu'un d'autre pour essuyer mes larmes. Je me contentais d'une phrase réfléchie, malgré toute la démesure qui régnait désormais dans ma tête. J'avais chaud, j'avais peur que ma voix tremble et me trahisse. « Keith ! Je ... je suis très étonnée de te voir ici ! Je vais très bien, et toi ? Ça alors, tu fais partie de l'équipe de foot ? Malgré tout les matchs auxquels j'ai assisté, je ne t'ai jamais vu, ou jamais reconnu ...» C'était tout. Il y avait pourtant tellement de choses que j'aurais voulu ajouter, comme « Tu m'as tellement manqué, ça te dis de me prendre dans tes bras et de me serrer super fort, comme avant ? » ou « Je t'aime merde, pourquoi ai-je fais ces choix et me suis-je engagée avec un autre que toi ? » ou encore « Pourquoi réapparais-tu alors que je commençais à t'oublier ? », même si la dernière phrase était complètement fausse. J'avais peut-être réussi à penser un peu moins à Keith, mais jamais au point de ne plus penser à lui du tout. Après avoir pris la parole, je me sentais un peu plus légère, et réussi même à le regarder dans les yeux. Son regard était toujours intense, et je m'y noyais encore une fois. Je détournais vivement le regard, rougissante, et fixais un oiseau qui planait au loin. Pourquoi la vie me paraissait-elle si difficile alors que j'avais tout ? Pourquoi tout ces choix, ces peines ...? Décidant de garder ce masque de fille invulnérable que j'avais décidé de porter devant lui, je me redressais et décroisais les bras. Je me préparais physiquement et mentalement à ce qu'il me rejette, ou tout simplement à ce qu'il parle de nouveau ... J'étais réduite à ça, comme une vulgaire fillette amoureuse pour la première fois. Si jamais Logan apprenait ça ... En aucun cas je ne voulais faire du mal à mon petit-ami, et c'était bien pour ça que je lui avais caché l'existence de Keith. Malheureusement, si les choses tournaient mal, il en serait très vite informé ...

Les frissons qui me tenaient commençaient à disparaitre un peu, pour laisser place à une sensation sans pareil : la joie. En effet, et cela pouvait peut-être paraitre dérisoire et complètement stupide, mais j'aimais le fait que Keith et moi nous reparlions, après tout ce temps. Même si nous faisions comme si de rien n'était, il y avait quand même cette chose entre nous, cette attraction si je puis dire. Nous étions liés et cela était indiscutable, même si pour l'instant nous refaisions simplement connaissance après tout ce temps. « Moi aussi, je savais pas que tu étais à Darthmouth. Le monde est petit! Tu es là depuis longtemps? En faite, je suis le capitaine de l'équipe. Si tu ne m'as pas reconnu, ça doit être à cause du casque. Et je ne t'ai jamais vue dans les gradins non plus. Cela dit j'ai pas bien cherché......» Ça alors, capitaine des footballeurs ! C'est vrai qu'il adorait ça et avait toujours été super bon et motivé, cela ne m'étonne finalement pas de lui ! Malgré tout, j'étais un peu triste de ne pas avoir fait le rapprochement entre ce mystérieux joueur dont le nom revenait souvent pendant les matchs, au micro "Et Priceton a le ballon !" et MON Priceton, MON Keith. J'aurais du m'en douter, mais à vrai dire même les Cheerleaders ne connaissent pas tous les joueurs. La plupart font partie de l'équipe pour les chorés, la popularité, et seulement après pour supporter notre équipe ... Maintenant que je sais qui est leur capitaine, tout cela risque bien de changer ...! « Ouah, capitaine ! Tu n'as pas chômé dis donc, et en même temps tu mérite cette place ! Et bien c'est ma deuxième année ici en faite, et ma première en tant que chef des Cheerleaders. Tu n'as jamais entendu parler de moi ? » Je ris, d'un rire à moitié camouflé, à moitié retenu. Je ne voulais pas passer pour la gourde de service riant pour tout et pour rien, je ne voulais pas lui faire mauvaise impression. « Alors, quoi de beau depuis la dernière fois qu'on s'est vus? » Je ne sais pas si ça se faisait de lui dire "Oh et bien j'ai pas arrêté de penser à toi, mais pour t'oublier en faite je sors désormais avec un gars super, Logan. Mais le truc tu vois, c'est que depuis les quelques minutes que tu es devant moi, je suis un peu perdue" Non, c'était tout bonnement impossible de lui sortir ça, déjà car je n'en aurais jamais le courage, et aussi car le pauvre Keith' n'en aurait sûrement rien à faire. « Et bien comme je te l'ai dis je suis devenue capitaine des Cheerleaders après mon arrivée, et j'ai décidé de me lancer dans les arts ! D'ailleurs, ça m'a fait repenser à tous ces films qu'on allait voir, à l'époque ... Ils m'ont beaucoup inspirés tu sais, pour mes différents contrôles ... » Petit instant de nostalgie, je n'avais pas prévu de dire ça. Je sentis mes yeux s'embuer et fis tout pour stopper le flot de larmes qui allait arriver d'une minute à l'autre et ruinerait ma crédibilité. Je ne voulais pas pleurer devant lui, je voulais lui montrer que même des années après je pensais à lui mais arrivais à faire face. En réalité, j'étais éprouvée. Je ne trouvais qu'une solution afin de me sentir un peu mieux de suite. « Et puis tu sais, depuis la dernière fois qu'on s'est vus ... Et bien, tu m'as manqué. Plus que manqué même. » Sur ce, je m'avançais vers lui et l'étreignis à lui en couper le souffle, comme si jamais rien n'avait changé.

« Si j'en ai vaguement entendu parlé, mais j'avais jamais pensé à faire le rapprochement... Félicitation! Je regarderais au prochain match si tu es là, si je te vois je te ferais coucou! Mais pas trop longtemps parce qu'après je vais pas regarder et je vais risquer de faire une connerie, donc j'ai pas envie qu'une éventuelle défaite me retombe dessus. » Et bien, nous étions deux a avoir raté l'opportunité de se revoir plus tôt, mais peut-être était-ce le destin ? Même si je ne croyais pas à ces foutaises qui disent que notre avenir est déjà tout tracé et que tout est joué d'avance ... Mon destin à moi avait été sympa sur ce coup là, me permettre de revoir celui que j'avais aimé et que je pensais encore aimer après tout ce temps, c'est ça qu'on peut appeler un cadeau du ciel ! J'étais enfin avec lui, et c'était tout ce qui comptait. Et même si des milliers de pensées traversaient mon esprit à cet instant, je me devais de les chasser en vitesse afin de laisser de la place à la raison et au bon sens, histoire de parler correctement et de ne pas perdre tout mes moyens. « Merci bien ! Je te regarderais aussi, et ferais une petite danse spéciale rien que pour t’encourager, toi ... » Je lui fis un clin d’œil. Ah, que c'était bon de pouvoir se promettre des choses, comme si tout ce qui comptait était le présent, et rien que le présent - même si les promesses, c'est dans le futur qu'on les tiens, c'est bien au présent qu'on les fait. Et voila, mon cerveau recommence à s'embrouiller ! Une fois dans les bras du jeune homme qui me faisait office de mec que j'aime et qui était mon ami, petit-ami, et à qui je ne sais plus quel rôle donner, je me sentis comme enfin chez moi. Son parfum m'entêtait et m'embrouillait, comme si j'avais abusé d'un alcool fortement concentré. Et lorsqu'il embrassa ma tête, ce fut LE moment. LE moment où mon cœur vacilla dans ma poitrine, qui manqua d'ailleurs d'exploser. Et là, il lâche cette phrase ... « Toi aussi tu m'avais manqué. Mais maintenant c'est fini, on est tous les deux. » Et bien, ça connait comme dans un bon vieux feuilleton romantique. Et là, la logique voudrait que nous nous embrassions et nous promettions de passer toute notre vie future ensemble. Le problème (oui, parce-qu'il faut bien un problème à tout ça, c'était trop beau et trop rose), c'est que je ne suis pas libre ... Enfin, je ne suis plus sûre de rien. Mon homme m'aime et moi aussi, mais je n'ai quand même jamais cessé de ressentir quelque chose de très très fort pour Keith. A l'aide, que quelqu'un m'aide ! « Keith, je ... » Mon regard se perdit au loin tandis que je m'écartais du corps musclé de mon interlocuteur. Je contemplais rapidement les gradins, juchés là tout autour de nous, témoins innocents et muets de cette scène au combien tragique. « Je peux te parler franchement ? Tu sais, je n'ai jamais été très douée avec les mots, surtout avec toi ... En faite, je ne sais plus vraiment où j'en suis. Je sors avec un mec populaire que j'aime et qui m'aime lui aussi, mais il y a un petit, que dis-je, un GROS quelque chose qui fait barrage. Et ce quelque chose c'est toi, ou plutôt ce que je ressens pour toi. Je ne saurais t'expliquer mais il subsiste en moi des sentiments très forts à ton égard, que je ne peux en aucun cas effacer... J'ai tellement essayé de t'oublier, et cela par tous les moyens possibles... mais je n'y suis jamais arrivée. Tu me diras "et alors ?" Et alors, et bien c'est ça qui me rends confus. Quand tu dis que nous sommes maintenant tous les deux, je ne sais pas si cela est bien ou mal, ni dans quel sens le prendre. S'il te plais aides moi, sauves moi, par pitié ! » S'en était trop et mes larmes coulaient maintenant à grand flots sur mes joues. Arrivant sur mes lèvres, elles se perdaient et créaient un magnifique océan d'eau salée, qui bientôt pourraient alimenter le réseau d'eau de l'université et nous apporter des litres d'eau potable. Je pleurais sans pouvoir m'arrêter, et sans véritable raison. J'attendais une réaction, une parole.

C'était le pire moment de ma vie. Dans ma tête, je réfléchissais à cent à l'heure alors que Keith s'emparait de mes mains. Je savais à son regard qu'il était profondément touché et qu'il allait parler. Ça n'a pas loupé, et dès qu'il ouvrit la bouche je m'accrochais tant bien que mal aux mots qu'il prononçait, afin de ne pas en rater une miette. Mes mains dans les siennes, je ne pouvais décemment pas tomber. « Jay, je peux pas te dire quoi faire. T'es comme dirait William Henley, t'es le maître de ton destin, le capitaine de ton âme. Tout ce que je dirais ne dois pas t'influencer. Sache que je t'aime aussi. Je crois, et maintenant j'en suis sûr que je t'ai toujours aimée. Sache aussi que au risque de me répéter, je t'attendrais. Toute la vie s'il le faut. Je sais c'est niais, mais je veux pas te bousculer. Je veux pas que ton couple soit brisé à cause de moi. C'est toi qui choisi. Quand tu penses avoir fait ton choix, je serais là si tu veux, sinon, on fera comme avant. On fera comme si on s'était jamais vu, comme si on avait jamais eu cette conversation. Parce que je pourrais pas être ton ami et prétendre que je ressent rien. Je sais que c'est niais, culcul ce que je viens de dire, mais ça vient du cœur.» Et voila, il avait finit. Les larmes coulaient sur mes joues, devant la beauté de ce qu'il venait tout juste de me dire. Jamais un garçon ne m'avait parlé comme ça, si tendrement ... C'était si magique, mais en même temps si tragique ... Pourquoi la vie était-elle si compliquée, pourquoi se sentait-elle obligée de parsemer nos vies de choix cornéliens, impossibles à faire ? Car c'était cela même : la vie me plaçait devant une situation difficile à résoudre, comme si elle voulait me tester. J'étais forte mais peut-être pas à ce point, et je me pris une grosse claque dans la figure. Moi qui avait toujours eu l'illusion d'être une fille populaire, que tout le monde aime, avec une vie parfaite, comme si je pouvais tout contrôler ... Je me rendais compte que c'était bien plus compliqué que ça, la vie. Tout n'est pas tout rose ou tout noir, et rien ni personne n'échappe à son destin. Je me repassais le speech de Keith en boucle dans ma tête, pendant qu'il me regardait pleurer comme une vulgaire chaussette qu'on vient de jeter. J'avais honte de moi pour plusieurs raisons : la première, évidente, je pleurais devant quelqu'un, et je détestais ça. La deuxième, un peu plus grave quand même, c'était parce-que j'avais un petit-ami, et que j'aimais aussi quelqu'un d'autre. Je ne savais pas que mon cœur avait tant d'amour à revendre jusqu'à aujourd'hui. Car oui, j'aimais profondément Logan, mais j'aimais aussi Keith très fort. Et je repensais à ce qu'il venait de me dire, et je me blessais moi-même de plus en plus, plus profondément à chaque fois, comme si la lame d'un couteau appelé Amour s'enfonçait dans mon cœur pour me punir. « Keith, je ... Saches que tout ce que tu viens de me dire m'as touché au plus profond de moi-même ... Je suis toujours aussi paumée quand au choix que je dois faire, mais s'il y a bien une chose que je sais, c'est que je ne supporterais pas de te perdre, même en temps qu'ami ... Tu crois vraiment qu'il n'y a aucune chance pour qu'on arrive à régler ce truc qui nous pourri la vie ? Je veux dire, si jamais ... Si jamais je décidais d'être raisonnable, on ne pourrais vraiment plus se voir ? » J'étais rouge, en larmes, honteuse comme je ne l'avais jamais été. Je crois que je voulais qu'il me dise encore une fois qu'il m'aimait et qu'il serait prêt à tout pour moi, et là je saurais quoi faire. Malgré tout, je ne pouvais m'empêcher de voir le visage de Logan apparaitre, son visage me souriant et me regardant dans les yeux, me disant qu'il m'aimait et qu'il tenait vraiment à moi ... Pourquoi la vie est elle si injuste parfois ? Pourquoi s'acharne-t-elle ?