« Nous ne savions pas comment te le dire, chéri ! Mais ça ne change rien. Rien du tout ! »
Sur le moment, rien ne lui avait parut plus faux. Comment le fait d'avoir été adopté pouvait-il ne rien changer, du tout ? Enfin, ce n'était pas tant le fait d'avoir été adopté, qui changerait quoi que ce soit. Plutôt celui de s'en être rendu compte. De cette façon. Pourquoi ne lui avoir rien dit ? Pourquoi avoir agit de cette façon ? Et toutes ces blagues sur les liens du sang, qu'ils se plaisaient à mettre en avant dès qu'ils en avaient l'occasion. Aux dîners de familles. Tout le monde savait, pourtant. Et tout le monde riait, tout de même. Les opportunités n'avait pas manquées. Ils auraient pu lui dire, lui expliquer, le rassurer. Mais ils n'en avaient rien fait, ils en avaient décidé autrement. Alors, lorsqu'il avait su, il avait simplement eut l'impression que jusqu'à présent sa vie n'avait été qu'un mensonge. Rien d'autre. Comme si ce n'était pas sa vie. Il se sentait comme un imposteur. Ce n'était pas cette vie qu'il aurait dû vivre. Il n'aurait pas dû avoir tout ça.
Lorsqu'il l'a appris, il s'est efforcé de rester calme, de tout garder en lui. Il a attendu ceux qui s'étaient auto-proclamés ses parents. Et alors, il leur a tout balancé. Ce qu'il venait d'apprendre. Tout ce qu'il en pensait. Ce qu'il y avait à l'intérieur de lui. Ou ce qu'il n'y avait plus, plus justement. Un trou. Béant. Un vide. Profond. Une déchirure. Brutale. Qu'il pensait alors irrémédiable.
Il faut dire aussi, pour excuser quelques uns de ses propos et de ses comportements, qu'il venait tout juste d'avoir quinze ans. Quinze ans. Cet âge où tout nous semble insurmontable. Où chaque petite erreur nous semble une fin en soi. Où chaque déception résonne comme le glas. Et, il lui semblait vraiment que cette découverte changerait tout, qu'elle bousillerait sa vie toute entière, peut-être, qu'elle se rappellerait à lui chaque fois qu'il tenterait de l'oublier. Que tout était désespérément foutu.

Monsieur et Madame Collins étaient, et sont aujourd'hui encore, deux grands et riches dirigeants d'entreprises. Jusqu'à ce jour tout allait pour le mieux entre eux trois. Ils étaient une famille unie. Il est le seul enfant du couple. Une grande maison, des domestiques. Il pouvait avoir tout ce qu'il souhaitait en claquant simplement des doigts, en sifflant, en l'ordonnant, à n'importe qui. Cependant, on lui avait appris la politesse, la délicatesse, le respect. On avait insinué en lui certaines notions. Le bien, le mal, le moral, l'immoral. Ainsi, il n'exigeait que rarement. Quelques caprices de gosse, bien entendu, mais rien de plus.
Né à Dallas, au Texas. Il n'y resta que quelques jours, tout au plus. Sa mère biologique et ses parents adoptifs s'y étaient « donné rendez-vous ». Ensuite, direction Los-Angeles, Californie, demeure des Collins. Plusieurs années. Jusqu'aux quinze ans de Matthew, en fait.
Avec les voisins, la famille, les camarades de classe, les professeurs, tout se passe plutôt bien. Matthew est un garçon drôle, sympathique, intelligent. Il n'a pas réellement d'ennemis. Quelques envieux, bien sûr. Après tout, il vit dans un milieu aisé, il en a dans le crâne et, accessoirement, il fait craquer bien des filles.
Quinze ans. Le clash avec ses prétendus parents. Il leur déclare tout bonnement la guère. Alors, tout dérape. Dans sa tête, dans sa vie. Il se comporte différemment. Il devient mauvais, arrogant, agressif parfois. Il se met à fumer, ne perdra jamais cette mauvaise habitude. Et à boire, beaucoup plus que de raison. Il touche à la drogue, aussi. Et puis, il décide de se jouer des gens comme il pense que l'on s'est joué de lui. Fourbe, menteur, manipulateur. Il séduit les filles, couche avec elles, les jette. S'en enorgueillit.
Rapidement ses parents décident que cela ne peut plus durer. Ils déménagent et l'emmène, bon gré mal gré, avec eux. Ils pensent alors que, ailleurs, ils pourraient commencer autre chose. Ils pensent que sa réaction est peut-être exagérée. Mais ils savent qu'il devra y avoir des efforts de fait des deux côtés s'ils aspirent à ce que tout redevienne comme avant... Si tout peut encore redevenir comme avant.
Des disputes, plus ou moins violentes. Des explications, auxquelles on accorde plus ou moins d'attention. Règlements de comptes. Des langues qui se délient, des portes qui claquent, des voisins qui s'interrogent.
Au début, Matthew ne veut rien écouter, rien chercher à comprendre.
Puis, un matin, alors qu'il se réveille pour la énième fois enroulé dans des draps et des bras qu'il ne connait pas, il se remet enfin en question. Il se demande comment il doit agir, il se le demande à haute voix. L'autre jeune-homme, qui partageait alors avec lui ce lit, mais jusqu'à présent rien de sa vie, de son passé, de ses préoccupations, s'enquiert de ce dont il parle. Alors, peut-être parce qu'il savait qu'il ne le reverrait jamais, il lui raconte. Tout ce qu'il pense utile de dire, et plus encore. Il lui viendra en aide, il le conseillera. Bien. Matthew suivra chacun de ses conseil, laissa un instant son orgueil et sa fierté de côté.
Il va trouver ses parents. S'excuse. De toutes ses paroles blessantes, de son comportement totalement stupide et indigne. De lui, de cette famille. Il s'excuse, avec une sincérité non feinte, d'avoir crié, à plusieurs reprises : « De toute façon, j'en ai rien à faire de vous, de vos ordres, de votre autorité ! Vous n'avez strictement rien à m'ordonner, rien ! Vous n'êtes pas mes parents. Ahah. Non, vous ne l'êtes pas. ». Et puis, simplement, il les serre dans ses bras.
Dès lors, naturellement, tout reprend comme avant. Autant que possible.
Jamais Matthew ne cherchera à retrouver ses géniteurs. Il ne parle jamais d'eux. Et personne ne sait qu'il a été adopté ; il le cache. Il estime que personne n'a besoin d'être au courant.

Il est temps d'intégrer une université. Réputée autant que possible. Matthew souhaite réussir. Il s'intéresse surtout à tout ce à trait aux chiffres. Il sait que s'il les maîtrise parfaitement il tiendra, peut-être un jour, le monde entre ses mains. Cela le motive, indéniablement.
Il fait des recherches, il consulte nombre de site, visite plusieurs établissement. Et puis, il tombe sous le charme de Darmouth. New Hampshire. L'autre bout du pays. Mais il n'en a que faire : c'est là-bas qu'il veut aller. Et, c'est là-bas qu'il ira.
Cursus : comptabilité. Il s'y sent bien, à sa place.
Puis, vient le moment où il faut intégrer une fraternité. Le choix n'est pas bien compliqué. Il souhaite intégrer les Psi Upsilon, qu'il admire. Il pense d'abord ne pas y être accepté mais s'y trouve finalement plutôt bien intégré.
Seul hic. Les Psi Upsilon sont réputés, entre autre, pour être des homophobes avérés. Ils aiment ça, humilier les homosexuels. Et Matthew est bisexuel. Il sait que cela ne passera pas. Alors, ainsi que le fait qu'il soit un enfant adopté, il dissimule aussi ses penchants sexuels. Ils se promène au bras de jolies jeunes-femmes et fantasme sur les beaux jeunes-homme qu'il ne manque pas de croiser...