Et c'est ainsi que mon nom arriva sur le registre des naissances à Varsovie, il y a maintenant dix-neuf ans. Je suis en effet née à l'étranger, et j'y ai vécu de très bons moments : vivant avec ma mère et ma grand-mère maternelle, je baignais dans la cuisine du pays, dans le chant, dans la danse … J'étais très heureuse, et ne m'étais jamais vraiment demandée où était passé mon père – je devais certainement être trop jeune pour me préoccuper de sa présence. A mon cinquième anniversaire pourtant, on me dit que j'allais déménager avec maman, que je partirais très loin et que je ne reviendrais pas avant un long moment. Je ne comprenais pas cette décision, mais je suivis ma mère malgré tout, et embrassais ma grand-mère pour la dernière fois. Nous embarquâmes dans un avion en direction de New York d'après ce que ma mère me disait. Ce qu'elle ne me disait pas, c'était pourquoi nous partions, et comment serait notre nouvelle vie aux États-Unis ... Ma mère avait toujours eu une tonne de secrets, elle gardait beaucoup de choses pour elle pensant que je ne les comprendrais pas. Malheureusement, grandir et vivre sans père vous rend mature bien plus vite que la majorité des gens. J'étais donc abasourdie lorsque je sortis enfin de l'aéroport, enfin arrivée dans ce pays qui serait dorénavant le mien, et donc je ne parlais même pas la langue. Tout semblait si grand, les grattes-ciels si nombreux et si hauts, les gens si pressés tout autour de moi … Tout le contraire de mon pays natal, si calme et chaleureux.

Les années passèrent et je devenais une jeune fille, gardant un accent et des habitudes Polonaises, me fondant tant bien que mal dans la masse. J'étais scolarisée dans un bon collège, où je m'étais rapidement fait des amis. D'ailleurs, j'avais du rattraper tout mon retard à propos de la langue et de la culture Américaine, moi qui suis arrivée en sixième en sachant à peine lire et parler anglais ! A force de motivation j'arrivais à mes fins, et je rendais ma mère fière de moi. Je cherchais toujours un moyen de me rendre un peu plus exceptionnelle à ses yeux, pour ne pas lui faire regretter d'être venue ici et d'avoir laissé sa famille à des milliers de kilomètres de là. Alors que j'étais en deuxième année de collège, quelque chose me traversa l'esprit, me rendit folle, me motiva plus que jamais : le cheerleading. J'avais découvert cette discipline lors d'un match de football, et je voulais être de ces filles qui encouragent leur équipe, qui font partie des filles les plus populaires... Et lorsqu'une chose est dans ma tête, je fais vraiment tout pour l'obtenir ! Je passais avec brillo un examen d'entrée dans l'équipe, et mis tout ce que j'avais dans ce sport qui était au bout de quelques mois bien plus que ça. Le cheerleading était devenu ma passion, ma drogue, et sans ça je n'arrivais plus à vivre. J'enchainais compétitions sur compétitions, galas sur galas, matchs sur matchs … Je remportais des médailles, des trophées, et devint rapidement une pointure. La consécration arriva alors que je fêtais mes 16 ans : j'étais nommée chef de mon équipe. Heureuse comme jamais, je pensais que jamais je ne pourrais être aussi heureuse un jour, excepté si je gagnais une compétition internationale, voire mondiale ! J'étais devenue sûre de moi et un peu pimbêche, considérée comme la « reine » du lycée. J'avais tout : je réussissais dans mes études, je menais mon équipe à la baguette afin de remporter des titres et des honneurs par dizaines, ma mère allait bien … Et pourtant j'en voulais encore plus. C'est à ce moment là que je pris conscience de ce que j'avais obtenu ces dernières années, et de leur superficialité. D'accord c'était bien d'être reconnue par tout le monde lorsque je marchais dans les couloirs, que mon nom soit un des plus tapés sur le moteur de recherches du lycée, mais … Parmi tout ça, rien ne me permettra d'être heureuse indéfiniment non ? Je mis alors à jour ma liste des priorités.

J'entrais à Dartmouth après avoir bouclé un très bon dossier scolaire, en vue d'étudier le monde des arts. Il s'avérait que le monde universitaire m'allait très bien, et je m'habituais rapidement au système et aux cours. Pour ce qui est des fréquentations, seul petit bémol : j'étais encore habituée à ce que tout le monde me connaisse; or ici personne ne connaissait « Miss Hemingway » à part mon petit-ami (qui soit disant passant m'a aidée à m'intégrer, étant plus âgé). Résignée à faire connaître mon nom, je m'investis alors dans la vie associative de Dartmouth, et en présidai le club des cheerleaders. Attention tout le monde, j'arrive !